Nous allons y découvrir la géologie de la commune de Muru.
Cette intrusion (voir figure 1 ci-dessous) s’est mise en place il y a environ 344 Ma en intrudant les formations métamorphiques du socle ancien de Belgodère qui la limite côté Est. Côté Ouest, elle est recoupée par le pluton de Calvi légèrement plus jeune (337 Ma). Elle a été, dans un deuxième temps, perforée par plusieurs petits corps de granite clair parmi lesquels le géologue distingue : les granites type Pietra di Telamu de couleur blanchâtre et les granites alcalins rouges qui affleurent à proximité immédiate de la ville d’Île-Rousse d’où son nom ; ces derniers appartiennent au cycle d’affinité alcaline-hyper alcaline daté du Permien Supérieur. A ne pas oublier le ring dyke* de Falconajola qui fait partie du complexe annulaire du Cintu et donc de même âge que les îlots Ile-roussiens précédents.
![Figure 1 : Carte géologique simplifiée du pluton d'Île-Rousse et de ses abords immédiats.( D'après LAPORTE Didier 1987 - modifié)
Figure 1 : Carte géologique simplifiée du pluton d'Île-Rousse et de ses abords immédiats.( D'après LAPORTE Didier 1987 - modifié)
Limitée au Nord par la mer, l’intrusion d’Île-Rousse disparaît au Sud, masquée par les formations volcaniques du San Parteo datées du Permien inférieur (notées (v) sur la figure 2, voir ci-dessous).
Il est très important de noter que l’intrusion d’Île-Rousse que nous allons découvrir est, après celle de Calvi, une autre intrusion majeure en Balagne cristalline. Elle se distingue de cette dernière autant par sa composition que par son organisation interne (voir figure 2 ci-dessous).
Figure 2 : La carte géologique de l’intrusion d’ïle-Rousse (Laporte, 1987 ; Orsini et al., 1897). Tout en bas de la carte, côté gauche en tiretés noirs les limites de la commune de Muru. (.M) pour situer la position du village. 1, 2 : socle de Belgodère (1 : gneiss migmatitiques ; 2 : granitoïdes plus ou moins orthogneissifiés) ; 3-10 : complexe d'Île-Rousse (3 : unité de Pioggiola ; 4 : granodiorites de Corbara ; 5 : quartzmonzodiorites de Pietrajola ; 6 : stocks vaugnéritiques ; 7 : monzogranites de Percepina ; 8 : quartzmonzonites de Santa Repara ; 9 : monzogranites de Ginebaru ; 10 : monzogranites et granodiorites de Monticello) ; 11 : granite de Luchietta (intrusion de Pietra di Telamu) ; 12 : hypovolcanisme permien. Autres formations : Ca, intrusion de Calvi ; Ma, série détritique de Mausoleo (Stéphanien terminal) ; V, rhyolites calcoalcalines du Permien inférieur ; Eo, Eocène de Balagne sédimentaire ; Al, alluvions.
L’examen de la carte géologique (voir figure 2 ci-dessus) révèle l’organisation originale toute en « en lanières » de cette intrusion. Elle est formée par la juxtaposition de lames d’épaisseur variable (hectométrique à kilométrique), orientées grosso-modo Nord/Sud avec un très fort pendage. Une organisation donc totalement différente de celle du pluton calvais.
Ces lames sont constituées par différents granitoïdes que l’on regroupe en deux ensembles bien distincts :
Ce premier ensemble, très largement prédominant à l’affleurement, rassemble différents matériaux qui ont tous la particularité d’être riches en magnésium et potassium d’où leur dénomination de « granitoïdes magnésio-potassiques » (granites Mg/K). Ces granitoïdes, pour l’essentiel à texture porphyroïde, se caractérisent :
par la présence constante de sphène, un minéral particulier toujours visible à l’œil nu, d’où l’appellation de granite à sphène, donnée à ces roches.
par l’abondance du feldspath potassique, la présence de l’amphibole à côté du mica biotite.
la profusion d’enclaves et de stocks de roches basiques ultra-potassiques. Parmi ces granitoïdes Mg/K l’observateur, même non averti, peut en distinguer sans peine trois grands types compte tenu des différences de texture et des proportions de minéraux visibles à l’œil nu :
Les monzogranodiorites de Monticello (voir figure 3 ci-dessous). Ce premier type, largement prédominant à l’affleurement, est constitué de granitoïdes à texture porphyroïde dont la composition évolue depuis des granodiorites riches en minéraux noirs bien visibles à l’œil nu (biotite+amphibole) jusqu'à des monzogranites eux aussi à biotite et amphibole.
Figure 3 : un exemple de monzogranodiorite de Monticello. Amphibole (a) ; Biotite (b) ; Macrocristaux de feldspath potassique (mfk). Plagio et quartz
La monzogranodiorite de Monticello est très bien visible côté sud du village, sur le chemin qui mène à la chapelle St. François. Les plus beaux affleurements sont situés après avoir dépassé la chapelle.
Les quartzmonzonites de Sta. Reparata ****(voir figure 4 ci-dessous) ****sont très facilement identifiables. Sur le terrain elles se repèrent par l’extrême abondance des macrocristaux de feldspath potassique (autour de 40% en volume) et leur richesse en minéraux ferromagnésiens biotite et amphibole.
Figure 4 : un exemple des Quartzmonzonite de Santa Reparata. A noter l’abondance des MFK et des minéraux ferromagnésiens biotite (b), amphibole (a) de couleur noire.
Les stocks de roches basiques ultra-potassiques que l’on nomme "vaugnérites" (voir figure 5 ci-dessous) de composition syéno-monzonitique plus ou moins quartzique. Ces dernières constituent, avec les granites Mg/K auxquels elles sont intimement liées des associations dites "acide/basique" traduisant un processus de mélange de magmas non achevé.
De beaux affleurements de ces quartzmonzonites peuvent êtres observés le long de la D13 entre Ile Rousse et St. Reparata à hauteur du lieu dit "Rena"; de très belles figures de mélange avec des masses vaugnéritiques sont visibles et photographiables.
Figure 5 : un exemple de stock de roches basiques que les spécialistes nomment des syéno-monzonites ou encore des vaugnérites. Notez la couleur sombre et le grain fin de ces roches.
Des matériaux qui présentent des caractéristiques spécifiques les distinguant sans ambigüité de l’ensemble précédent, à savoir :
des roches généralement à grain moyen, avec une foliation fruste, marquée par des variations incessantes de faciès. Ce qui est dû au champ très vaste de leur composition minérale ; des compositions qui s’étendent depuis les diorites quartziques, les granodiorites jusqu’aux monzogranites. Les termes intermédiaires granodioritiques y sont dominants (voir figure 6 ci-dessous). Toujours du point de vue de leur composition minérale, à noter l’abondance du mica biotite (pouvant atteindre plus de 20% du volume); celle-ci étant le seul minéral ferromagnésien présent. Si l’absence de l’amphibole, du pyroxène et du sphène sont à souligner il faut noter aussi la présence éventuelle de grenat et de cordiérite ; ce qui confirme le caractère hyper-alumineux de ces matériaux.
Figure 6 : le faciès granodioritique à foliation fruste de Corbara
on y note une grande abondance d’enclaves métamorphiques (voir figure 7 ci-dessous) et surtout, contrairement à l’ensemble précédent, aucune trace de magma mantellique sous la forme de stocks ou d’enclaves basiques ultra-potassiques.
Figure 7 : faciès granodioritique de Corbara avec une enclave de roche métamorphique. (encl)
Il découle de ceci que les granodiorites de Corbara ont pour origine probable un magma issu de la seule fusion de la croûte terrestre.
Les enclaves métamorphiques qu’elles contiennent en abondance représentent des portions de croûte qui ont résisté à la fusion.
De très beaux affleurements de ces granodiorites sont visibles sur les talus de la D 151 à la sortie Nord de Corbara passé la chapelle St. Pierre et Paul.
A contrario, la présence dans les granitoïdes MgK de roches basiques ultra-potassiques démontre le rôle des magmas issus du manteau dans la genèse de ces roches. Les enclaves sombres visibles dans ces granitoïdes doivent être interprétées comme des bulles de magma basique dispersées dans le magma acide.
Tous ces granitoïdes présentent des fabriques planaires plus ou moins bien marquées qui, dans chaque lanière, sont matérialisées par des plans de fluidalité magmatique orientés Nord/Sud avec un très fort pendage.
Les spécialistes expliquent l’organisation de l’intrusion d’Île-Rousse, à savoir :
Par une mise en place concomitante de venues magmatiques ayant différentes origines : fusion de niveaux plus ou moins profonds de la croûte continentale donnant des magmas qui se mélangent ou non à des magmas basiques en provenance du manteau profond. Ces masses magmatiques auraient convergé pour se rassembler dans les parties hautes de l’écorce terrestre (une zone profonde d’une quinzaine de kilomètres).
Leur cristallisation lente s’y serait effectuée sous de très fortes contraintes en compression de direction Est/Ouest provoquant une déformation par aplatissement des différentes venues magmatiques avant leur consolidation finale ; d’où la fabrique planaire des différentes roches en présence et leur disposition en lanières sub-parallèles selon la même direction.
![Figure 8 : Nous avons emprunté à l’article de LAPORTE et al. (1991) le modèle schématique qui résume les principales étapes de la construction des intrusions d’Île-Rousse et de Calvi.
Modèle schématique résumant les principales étapes de la construction du complexe d'Île-Rousse : 1) la fusion de la croûte inférieure à moyenne, peut-être provoquée par la mise en place de grands corps vaugnéritiques (V), donne naissance à des magmas magnésio- potassiques (mgk) ou alumineux (al) ; 2) l'ascension et le télescopage de ces magmas conduisent à la formation d'un corps granitique composite : le complexe d'Île-Rousse (pour simplifier, seules les granodiorites Corbara (co) et les granodiorites et monzogranites de Monticello-Ginebaru (mo1 et mo2 respectivement) ont été représentés) ; 3) pendant ou peu après leur mise en place, le complexe d'Île-Rousse et l'intrusion de Calvi (Ca) sont déformés dans le cadre d'un raccourcissement régional selon une direction approximativement E-W et subhorizontale. Le petit massif de Pietra di Telamu (pt), légérement plus tardif, n'enregistre que les stades terminaux de la déformation régionale.](https://s3-us-west-2.amazonaws.com/secure.notion-static.com/fabbad13-4c96-474f-aac4-c8ffc05784c4/D3-Figure8_(2).jpg)
Figure 8 : Nous avons emprunté à l’article de LAPORTE et al. (1991) le modèle schématique qui résume les principales étapes de la construction des intrusions d’Île-Rousse et de Calvi.
Modèle schématique résumant les principales étapes de la construction du complexe d'Île-Rousse : 1) la fusion de la croûte inférieure à moyenne, peut-être provoquée par la mise en place de grands corps vaugnéritiques (V), donne naissance à des magmas magnésio- potassiques (mgk) ou alumineux (al) ; 2) l'ascension et le télescopage de ces magmas conduisent à la formation d'un corps granitique composite : le complexe d'Île-Rousse (pour simplifier, seules les granodiorites Corbara (co) et les granodiorites et monzogranites de Monticello-Ginebaru (mo1 et mo2 respectivement) ont été représentés) ; 3) pendant ou peu après leur mise en place, le complexe d'Île-Rousse et l'intrusion de Calvi (Ca) sont déformés dans le cadre d'un raccourcissement régional selon une direction approximativement E-W et subhorizontale. Le petit massif de Pietra di Telamu (pt), légérement plus tardif, n'enregistre que les stades terminaux de la déformation régionale.
Les roches granitiques sont réputées pour leur dureté et donc leur résistance. Nous en avons donné des exemples avec les granites du pluton de Calvi.
Ces roches toutefois s’altèrent. Pourquoi ? Les spécialistes nous en donnent plusieurs raisons :
Dans les régions à climat tempéré les spécialistes nous disent que ce phénomène d’altération, qu’ils qualifient "d’arénisation", est sous la dépendance de l’action de l’eau ; ils parlent d’hydrolyse ménagée.
En l’absence d’érosion, les roches granitiques se trouvent être altérées sur des épaisseurs importantes (plusieurs mètres). On y observe en surface une formation meuble, présentant une couleur brun rouge plus ou moins marquée (voir figure 9 ci-dessous) et dans laquelle la texture de la roche est conservée. Ce que les géologues appellent une « arène »* ; « u tuvu » en langue corse.
Figure 9 : exemple d’un épais manteau d’arène dans une zone basse où l’érosion n’est que peu ou pas active.
Figure 10 : Monzogranite porphyroïde arénisé. La texture de la roche y est bien conservée.